Quand le sexe s’éclipse du couple : les raisons d’une abstinence conjugale

Faire l’amour régulièrement est considéré comme la norme au sein d’un couple. Pourtant, de nombreux partenaires connaissent des périodes plus ou moins longues d’abstinence sexuelle. Si certains s’accommodent de cette situation, d’autres la vivent comme une frustration ou un échec.

Alors, un couple peut-il vraiment durer sans sexualité ? Quelles en sont les raisons ? Et surtout, comment renouer avec une intimité épanouie ? Éléments de réponse.

Une réalité taboue mais répandue

Dans notre société où le sexe est omniprésent, il est encore tabou d’évoquer l’absence de rapports sexuels au sein d’un couple. Pourtant, ce phénomène toucherait 14% des motifs de consultation chez le sexologue, et mariage sur 100 selon les estimations.

Par ailleurs, une abstinence plus ou moins prolongée concernerait de nombreux couples, le plus souvent après 5 à 10 ans de vie commune. Cette perte de désir résulte alors de facteurs conjoncturels (fatigue, naissance d’un enfant…) ou structurels (refroidissement du couple).

Des couples qui s’accommodent de l’absence de sexe

Certains partenaires parviennent à composer avec cette absence prolongée de sexualité. Ils considèrent ce pan de leur vie comme secondaire, et continuent à entretenir complicité et tendresse.

C’est notamment le cas des « couples complices », très fusionnels, pour qui le sexe a fini par devenir presque « incestueux ». La proximité permanente a érodé la distance nécessaire à l’érotisme. Ces duos fonctionnent sur un mode quasi fraternel.

Une source de frustration pour d’autres

A l’inverse, dans de nombreux couples, l’un des conjoints (le plus souvent l’homme) vit douloureusement ce manque de rapports intimes. Une frustration s’installe, qui peut mener à terme à la rupture.

Entre ces deux extrêmes, des couples « résignés » perdurent sans plaisir. Par intérêt économique, pour préserver l’équilibre familial ou par simple habitude, ils continuent à former un duo dont la flamme s’est depuis longtemps éteinte.

Les raisons physiologiques de la baisse de désir

Outre l’usure du temps, de nombreux facteurs expliquent la disparition de la sexualité au sein des couples. Certains relèvent de la physiologie féminine ou masculine, d’autres de l’environnement psycho-social du couple.

La révolution hormonale de la femme

Le désir sexuel de la femme, et sa capacité à atteindre l’orgasme, sont très dépendants de ses hormones sexuelles (œstrogènes et progestérone). Or, celle-ci connaît plusieurs bouleversements physiologiques au cours de sa vie:

• Après un accouchement : la fatigue et le changement hormonal entraînent fréquemment une baisse de libido transitoire
• Sous contraceptifs : la pilule, en inhibant l’ovulation, peut atténuer la montée de désir liée à cette phase du cycle
• A l’arrêt de la pilule : le retour de règles douloureuses est aussi très néfaste à la libido
• A l’approche de la ménopause : la carence œstrogénique entraîne sécheresse vaginale et rapports douloureux

A chacune de ces périodes délicates, des solutions existent néanmoins pour relancer la machine hormonale et intime du couple.

Troubles de l’érection : un coup dur pour l’homme

Côté masculin, la mécanique intime est aussi fragile. Troubles de l’érection, éjaculation prématurée ou absente sont très mal vécus.

Ils surviennent fréquemment sous l’effet du stress, de traitements médicamenteux, ou avec l’avancée en âge (50% des quinquagénaires sont concernés).

Là aussi, des solutions pharmacologiques ou psychothérapeutiques permettent de retrouver vigueur et plaisir. Encore faut-il accepter d’en parler, ce qui reste bien souvent un obstacle majeur.

Des bouleversements psychologiques et environnementaux

Outre les facteurs physiologiques, de profondes mutations psychologiques et environnementales affectent aussi la libido du couple.

La répartition toujours inégalitaire des tâches domestiques

Malgré une implication croissante des pères, l’arrivée d’un enfant rime encore souvent avec charge mentale et domestique accablante pour la femme. Difficile dans ces conditions de se sentir sexy ou désirante…

Le poison du stress professionnel

Le stress au travail imprègne les esprits bien au-delà du bureau, affectant l’équilibre conjugal. Chez la femme particulièrement, il annihile le désir.

Des modes de vie toujours moins sensuels

Entre jeunes parents épuisés et quadras hyperconnectés, nos modes de vie laissent peu de place aux préliminaires. Le cerveau en alerte permanente a du mal à « lâcher prise ». Pas étonnant que le désir s’émousse.

Des attentes faussées par la pornographie

La pornographie induit une vision tronquée de la sexualité, nourrissant des attentes irréalistes… et beaucoup de frustrations. Là aussi, le dialogue pour rétablir une juste intimité s’avère crucial.

Des non-dits qui minent l’alchimie du couple

Faute de communication, lesbianisme refoulé, tromperies ou fantasmes inavouables finissent par jouer les trouble-fêtes. Mettre des mots sur ses désirs et blocages ramène de la sérénité dans le couple.

Peut-on retrouver complicité et alchimie ?

Même en l’absence de vie sexuelle depuis des mois, voire des années, il est possible de raviver la flamme de son couple. A condition de s’en donner les moyens et d’accepter une approche progressive.

Oser en parler

Rompre le silence et exprimer son ressenti à son ou sa partenaire constitue le premier pas. Si ce dialogue à coeur ouvert ne suffit pas à renouer l’intimité, d’autres démarches peuvent aider.

Renouer le dialogue corporel

Avant de songer à faire l’amour à nouveau, apprendre à se toucher, se masser, s’enlacer permet de renouer contact et complicité. Prendre des bains à deux, se câliner au lit, se promener main dans la main… autant de façons de raviver doucement la flamme.

Se (re)séduire

Reprendre les réflexes du début – petits cadeaux, mots doux, rendez-vous galants… – rappelle la saveur des premiers émois amoureux. Autant de clés pour réenchanter son couple et titiller à nouveau ses sens.

Consulter un sexologue ou un thérapeute de couple

Quand les blocages sont trop profonds ou douloureux, faire appel à un professionnel s’avère indispensable. Dans un climat bienveillant, celui-ci accompagnera chacun des partenaires sur le chemin d’une sexualité apaisée.

Faut-il renoncer à une sexualité épanouie ?

Même après des mois ou des années sans rapports, il est possible de ranimer la flamme de son couple. A condition de dédramatiser et d’accepter une démarche progressive, faite de tendresse et de réconciliation avec son propre corps.

Car si la sexualité s’avère vitale pour certains, elle peut paraître secondaire pour d’autres. L’essentiel étant de retrouver une harmonie, faite de communication, de complicité et de tendresse au sein du couple.

Alors, plutôt que de se lamenter sur son sort, mieux vaut savoir réinventer son couple et sa façon d’aimer. Même sans sexualité, l’amour peut revêtir mille autres visages.